Textes, croquis et photos (sauf mention contraire) Claude Beaudevin (1928 - 2021) | Présentation et mise en page Bruno Pisano |
Certains mots à la signification spécifique sont écrits en bleu et soulignés en pointillés. Si vous laissez la souris dessus, une info-bulle affichera leur définition. |
Le Royannais et les gorges de la Bourne |
Écrit par Claude Beaudevin | ||||
Vendredi, 16 Juillet 2010 11:39 | ||||
Les méthodes utilisées
Rappelons que, comme dans les autres pages de notre site, nous avons utilisé ici, pour déterminer l'altitude maximum atteinte lors des dernières glaciations, les méthodes suivantes : Dans le Royannais, nous signalerons que les sommets d'épaulement sont moins nombreux que dans les vallées glaciaires des grandes vallées des Alpes, ce qui nous paraît pouvoir être imputé à l'absence de grandes vallées, remplacées ici par un réseau de rivières moins importantes. On rencontre également dans le Royannais moins de clapiers d'origine glaciaire que dans d'autres parties du Vercors. Ceci nous paraît dû au fait que les blocs erratiques, géniteurs de ces clapiers et de caractéristiques mécaniques suffisantes pour résister aux sévices du temps, y étaient moins nombreux du fait de la rareté de leur sites de production, en général falaises de calcaire urgonien longées par les glaciers. Limites du royannais adoptées dans cette pageDans cette page, nous adopterons une définition des limites du Royannais vues sous l'angle qui nous intéresse, quelque peu différent des géographes. Nous considérerons que celui-ci est limité par :
Ces limites comprennent donc tous les terrains drainés par les affluents de la Bourne et la Bourne elle-même, depuis sa sortie de l'ombilic de Villard de Lans. L'englacement du royannais au MindelLes glaces qui recouvraient le Royannais provenaient :
Les glaciers locaux du sud du VercorsCes glaciers locaux prenaient naissance sur le versant nord de la chaîne de sommets qui marquent la limite du Vercors au-dessus de la vallée de la Drôme et qui s'élèvent à 1600/1700 mètres. Il s'agit des glaciers suivants (les indices 1 à 7 sur la carte ci-dessous permettent de repérer l'emplacement de ces glaciers).
Compte tenu de la surface importante occupée par ces glaciers ainsi que de l'altitude de leurs sommets, qui dépassaient parfois 1700 mètres, il s'agissait de glaciers importants et qui, de plus, étaient exposés au nord. On conçoit qu'au cataglaciaire, ces glaciers engendraient des flux d'eaux de fonte très importants qui ont entaillé la cuirasse de calcaire urgonien de profondes vallées aux reliefs aussi remarquables que ceux des Gorges de la Bourne, de la Lyonne et des Grands Goulets. À Font d'Urle, les crêtes qui dominent le plateau ont gardé le souvenir de l'ancien glacier. Aussi bien le versant est du Serre de Montue... ... que le versant ouest de la Crête des Gagères, qui lui fait face. Ces deux crêtes portent en effet des séries de petites ravines, relief révélateur du séjour d'un glacier, ainsi que c'est le cas de la plupart des reliefs sériels (page en cours de rédaction). Finalement, les glaces de tous ces glaciers locaux du sud du Royannais, contournant la Grande Cournouze par l'ouest, rejoignaient celles du glacier de la Bourne (5) dans les environs de Pont en Royans. Le glacier de la BourneNous avons dit dans la page sur le massif des Coulmes que, sur Villard de Lans, le glacier de Lans-en-Vercors (6) et celui des Hauts Plateaux du Vercors (7) se rejoignaient pour former le glacier de la Bourne (5). L'altitude des glaces sur Villard de Lans était de l'ordre de 1600 mètres alors que, quelques 10 km plus loin, sur le Pas des Rages, la surface glaciaire ne s'élevait plus qu'à 1250 mètres. Sur ce trajet, dans les Gorges de la Bourne entre Villard de Lans et la Balme de Rancurel, nous n'avons pu identifier qu'un seul site témoin, la prairie du Goutarou (RO12). Ce site, qui conduit également à une altitude de surface glaciaire égale ou supérieure à 1250 mètres, se situe dans un élargissement de la vallée de la Bourne, le vallon des Ranchoux, qui rejoint celle-ci à l'aval de la partie étroite de ses gorges. Cette altitude de 1250 mètres au Goutarou peut s'appliquer au glacier de la Bourne lui-même à cet endroit car ce vallon des Ranchoux est dépourvu d'appareil glaciaire local susceptible de fausser cette conclusion. Entre Villard de Lans et l'aval de la partie étroite des Gorges de la Bourne, nous n'avons donc pas pu identifier d'autre site témoin valable. Cette déficience de sites témoins nous paraît due à la pente très forte du lit de la rivière sur ce parcours. Le cours du glacier de la Bourne devait ici consister en une succession de chutes de séracs, qui offraient aux eaux glaciaires latérales des facilités pour gagner le fond de vallée et donc empêcher la création d'épaulements. Lors du cataglaciaire, l'importance du flux d'eaux glaciaires a, là aussi, engendré des débits d'eau très importants qui ont donné naissance aux magnifiques Gorges de la Bourne, à la mesure du glacier qui les a façonnées. Les sites témoins du royannaisLes caractéristiques des sites témoins du Royannais sont présentées dans ce tableau. Signalons que nous avons pris en compte uniquement les sites témoins les plus élevés du Royannais et que le tableau ne comporte pas les sites d'altitudes inférieures. Ainsi, l'exploitation des altitudes des sites témoins du tableau fournit-elle donc l'altitude maximum atteinte par les glaciers. Voici la carte du Royannais sur laquelle les sites témoins sont indiqués par leurs repères utilisés dans le tableau ci-dessus, suivi par l'altitude de la surface du glacier qu'ils permettent de déterminer. Les indications en noir sont relatives aux sommets d'épaulement, celles de couleur verte aux prairies et celles de couleur rouge aux clapiers d'origine glaciaire. Dans ces deux derniers cas, l'altitude du glacier peut-être égale ou légèrement supérieure à la valeur indiquée. Voir à ce sujet la page sur la règle des clapiers d'origine glaciaire. Image sensible au passage de la souris pour voir les références et les altitudes des sites témoins
Représentation Bruno Pisano
Altitude atteinte par le glacier du Mindel dans le royannaisUn examen, même rapide, de la carte ci-dessus, permet de constater que la surface glaciaire était, compte tenu de la précision de notre méthode, très sensiblement horizontale à une altitude d'environ 1250 mètres dans tout le Royannais. Tous les sites témoins fournissent, en effet des altitudes de glacier comprises entre 1180 mètres et 1250 mètres, excepté le site RO13, situé sur le plateau de Saint-Martin en Vercors, qui fournit une valeur de 1270 mètres. Alors que le lobe du glacier de l'Isère voyait sa surface s'abaisser,entre sa formation vers 1568 mètres sur le Bec de l'Orient et le col de Romeyère à 1250 mètres, il présentait, plus au sud, un palier sensiblement horizontal à cette altitude jusqu'au col de Tourniol au dessus de Léoncel. La suite de notre étude montre que ce n'est qu'à partir de ce col que son altitude recommençait à décroître. En conséquence, seuls les sommets d'altitude supérieure à cette valeur, peu nombreux dans le Royannais, émergeaient de la surface glaciaire. Quelle est la cause de cette horizontalité de la surface de la glace ?En premier lieu, on peut penser qu'elle est due à l'horizontalité du terrain lui-même, qui serait préexistante à l'arrivée du Mindel. Mais n'est-ce pas prendre l'effet pour la cause ? Une autre cause possible, qui ne requiert, elle, aucune hypothèse , est la suivante, : Depuis sa naissance sur le Bec de l'Orient jusqu'à son passage sur le col de Romeyère, le lobe n'avait reçu sur sa rive gauche, qui s'appuyait contre le Vercors, aucun apport de glace en provenance de celui-ci. Mais, parvenu sur le Royannais, il recevait le tribut des glaces de la Haute Bourne, provenant lui-même, ainsi que nous l'avons vu à la page sur la façade nord du Vercors, des glaciers de Lans-en-Vercors et des Hauts Plateaux du Vercors. Ce dernier glacier présentait un débit important car il émanait des appareils locaux de la chaîne de sommets qui s'étend, sur plus de 20 km, du Pic Saint-Michel au Grand Veymont, en dépassant parfois l'altitude de 2000 mètres. Nous pensons que c'est cet apport très important qui a soutenu le glacier du lobe par le travers du Royannais, lui permettant de conserver une altitude constante sur une trentaine de kilomètres. Quelques commentaires sur les sites témoins du royannaisDans le texte qui suit, les repères des sites permettent de les identifier sur le tableau des caractéristiques.
Le plateau de Saint-Martin en VercorsDe part et d'autre de Saint-Martin en Vercors, un plateau long de plus de huit kilomètres abrite villages et hameaux. Au nord de Tourtre, il permettait aux glaces du Royannais de se réunir avec celles de la Haute Bourne. Le site RO13, au-dessus de Saint Martin en Vercors, à l'extrémité sud du plateau, montre une altitude de glace de 1270 mètres. À l'extrémité opposée du plateau, le site témoin le plus proche est celui constitué par la prairie du Goutarou (RO12), dans un vallon adjacent à la Bourne. À 1250 mètres, ce site fournit une altitude de glacier égale ou supérieure à cette valeur. Compte tenu de la précision de nos méthodes, cette faible différence de 20 mètres ne peut être utilisée pour déterminer la pente du glacier. La pente du plateau ne peut pas non plus fournir une indication fiable sur le sens de circulation des glaces, car, pour une épaisseur de glace supérieure à 300 mètres, comme c'est le cas ici, le sens de circulation ne dépend pas de cette pente. On rencontre parfois des glaciers qui « remontent » une vallée ! En conclusion, nous conviendrons qu'il ne nous est pas possible de déterminer ce sens de circulation sur le plateau de Saint Martin en Vercors, qui, nous semble-t-il, était susceptible d'ailleurs de s'inverser au cours du pléniglaciaire de la glaciation. Le lobe à l'extérieur du royannaisPassé Pont en Royans, le lobe du glacier de l'Isère au Mindel continuait à s'appuyer, sur sa rive gauche, contre la façade ouest du Vercors. Les chaînons qui, de Saint Nazaire en Royans à Rochechinard, s'étendent vers le sud, ne dépassent pas 1030 m ; ils étaient donc noyés sous la glace. Plus au sud, le lobe s'appuyait successivement contre la Montagne de Musan (1292 m) et celle de l'Épenet (1330 m), qui dépassaient toutes deux sa surface. Sur la première, il a laissé sa trace sur son versant ouest au Pré de Cinq Sous (site RO25) ; une prairie à 1226 mètres fournit une altitude de glacier égale ou supérieure à cette valeur. En continuant vers le sud après la Montagne de Musan, la rive gauche du lobe s'appuyait contre la Montagne de l'Épenet, qui présente, elle aussi, une altitude trop importante pour que les glaces du lobe aient pu la franchir. Mais on peut remarquer qu'une ligne de prairies occupe le versant sud-est de cette Montagne. Nous voyons ici la présence de dépôts glaciaires, provenant d'un certain nombre de débordements ponctuels, en particulier par le Pas de Bouvaret (1132 m). La suite de la crête de la Montagne de l'Épenet ne présente plus de telles prairies. Mais l'aspect de plusieurs brèches ouvertes dans les Rochers des Deux Soeurs (1330 m) nous semble indiquer que, là aussi, ont pu se produire de petits débordements ponctuels, d'importance insuffisante pour marquer, à l'intérieur du Vercors, le versant est de la Montagne. Ce n'est que lorsque, à l'extrémité sud de la Montagne de l'Épenet, l'altitude de la crête s'abaisse suffisamment que l'on retrouve des sites témoins qui indiquent une surface de glacier à l'altitude de 1250 mètres environ. À 1157 mètres, le col de Tourniol était franchi par une épaisseur de glace de l'ordre de 100 mètres. Les eaux glaciaires qui, rappelons-le, coulent à une profondeur de l'ordre de 150 mètres sous la surface du glacier, ne pouvaient donc pas pénétrer à l'intérieur du Vercors par le col de Tourniol où elles n'ont en effet pas marqué leur passage. Toutefois, ce déversement transportait de nombreux blocs erratiques qu'il déposait, d'une part dans le vallon sous le col et d'autre part, après avoir franchi la vallée de Léoncel, sur le col du Grand Échaillon. Ce sont ces blocs erratiques qui ont donné naissance aux clapiers d'origine glaciaire du col du Grand Échaillon, dont le plus élevé, repéré RO23, se situe à 1234 mètres. Le vallon sous le col de Tourniol est constellé de nombreux clapiers d'origine glaciaire, dont le plus élevé, repéré RO34, se situe à 1207 mètres ; il a donc été transporté par le glacier à une altitude égale ou supérieure à cette valeur. Voici, à quelques dizaines de mètres du col, un clapier d'origine glaciaire du type « étalé », comme c'est le cas de la grande majorité des clapiers à cet endroit. À quelques centaines de mètres du col, voici un autre clapier étalé. On remarquera qu'il est dominé par un petit talus de prairies, horizontal. Nous pensons que ce talus est dû à la reptation du terrain, arrêtée par le clapier, sans doute avant étalement complet de celui-ci. Un tels talus à l'amont d'un clapier s'observe fréquemment, nous en montrerons d'autres exemples à la page sur la règle des clapiers d'origine glaciaire. À quelques mètres sous le clapier, on aperçoit au premier plan une broue, qui se prolonge sur une grande longueur à gauche et à droite de la photo. Voici d'autres clapiers étalés, légèrement en contrebas du col On peut remarquer - et ceci est général à cet endroit - que tous ces clapiers, formés uniquement de pierre de petites dimensions, sont des clapiers « étalés ». Ceci pourrait être dû au fait que les blocs erratiques géniteurs étaient formés d'un calcaire urgonien assez lité que l'on rencontre d'ailleurs dans les falaises situées plus en amont le long du lobe. Dans la Forêt de Bouvante-Pionnier nous retrouvons le même relief karstique que celui décrit dans notre page sur le massif des Coulmes. Compte tenu de son altitude qui atteint 1422 mètres à la Roche Plombée, les conclusions seront les mêmes que pour les Coulmes : la Forêt de Bouvante-Pionnier émergeait du glacier du Royannais à 1250 mètres. Le raccordement des glaces du lobe avec celles des glaciers du royannaisNotre méthode des sites témoins ne permet pas de déterminer si les glaces du lobe pénétraient dans le Royannais ou si le mouvement des glaces était inverse. Les altitudes données par utilisation des sites témoins sont effectivement les mêmes à l'intérieur ou à l'extérieur du Royannais, ce qui est d'ailleurs normal, s'agissant de la rencontre de deux glaciers et ne permet donc pas de déterminer le sens d'écoulement des glaces. |
||||
Mise à jour le Lundi, 12 Septembre 2016 18:07 |